De quoi va t’il être question en ces lignes ?

« Peur » est un terme général. J'ai constaté combien il est aidant, pour des patients, de bien comprendre de quel type, de quelle forme de peur il s'agit, lorsque se pose une défaillance du système d'adaptation.

Décrire la place de cette peur entraîne dans une présentation du fonctionnement psychique dépassant les limites de ce système. Dans certains cas j'explique, dans d'autre cas je renvoie à un article existant, enfin il m'arrive aussi d'annoncer des articles à venir... Ainsi, cet article est un balayage global, dont la visée est d'aider le lecteur à mieux comprendre l'abord de la psychologie développé dans ce site internet. Je vous souhaite une bonne promenade dans les méandres de cet article...

D’où l’on part :

Dans l’article : « La théorie des 3 cerveaux et le « grabouilli » », j’ai mis en avant un abord de l’humain reposant sur la notion de « comportements involontaires ». Parmi eux, j’ai distingué les « grabouillis », ce sont les comportements involontaires déclenchés, à l’insu du sujet, soit par une défaillance du système d’apprentissage (culpabilité), soit par une défaillance du système d’adaptation (peur). Le "grabouilli" en lui même, peut prendre diverses formes, cela dépend de l'histoire de la personne et d'habitudes de fonctionnement du cerveau. Je développerai cet aspect du fonctionnement psychologique dans un autre article.



Le lecteur comprendra donc que je me place résolument hors du « sens du symptôme », mais complètement dans un « symptôme signal » de peur et/ou de culpabilité.

Dans mon activité de psychologique clinicien, j’aide à l’émergence et à la résolution de ces peurs et/ou culpabilités, sans donner d’importance autre au symptôme, que d’être l’indicateur qu’il en (des peurs et/ou des culpabilités !) reste à résoudre. C’est donc d’une posture particulière qu’il s’agit, d’une écoute spécifique aussi.

Cela fonctionne comment ?

Le cerveau fonctionne à l’économie, d’où sa durée de vie. Dans le système d’adaptation, le déclenchement de la peur (signal de danger) repose sur deux zones du cerveau, l’hippocampe qui mémorise événements et contextes et l’amygdale qui déclenche la peur.

Les neurosciences, nous ont permis, depuis peu, de comprendre que l’hippocampe continuait de fabriquer de nouvelles cellules prenant la place des cellules mortes tout au long de la vie (Spalding KL, Bergmann O, Alkass K, et coll. Dynamics of hippocampal neurogenesis in adult humans. Cell 2013, 153:1219-27). Ainsi, la mémoire est instable et mouvante… En même temps, certaines cellules de l’hippocampe ne se renouvellent pas, certains contextes anciens sont stockés comme dangereux et le restent, bien au-delà du moment effectif du danger. Ajoutons à cela les mécanismes de généralisation et d’association, il devient aisé de comprendre qu’une peur initiale qui tombe sous le sens, rebondit ailleurs.

Et si vous étiez un peu plus concret ?

Ainsi, un enfant ayant eut très peur lors de sa première confrontation à un groupe d’enfants dans une cour d’école maternelle, peut ancrer profondément cette peur. Cette même personne, devenue adulte, beaucoup plus tard, peut ressentir toujours malaise et appréhension face à un groupe. Son cerveau continue par association, d’activer le signal de danger, le signal de peur.

Et la précocité dans tout cela ?

Le cerveau n’aime pas actualiser ses signaux, le cerveau préfère ne pas se questionner sur la nécessité d’enlever un signal de peur obsolète. Comme je l'ai développé ailleurs, (cf article : La précocité intellectuelle abordée à travers le prisme des émotions), la vitesse supérieure de conduction de l'influx nerveux des précoces fait qu'ils sont hyper-accessibles à la peur et à la culpabilité. Le système d'adaptation sera donc fréquemment défaillant.

Dans le cadre d’une prise en charge, il faudra donc aller stimuler le cerveau afin qu’il « se décide » à enlever les signaux de peur et à les remplacer par de l’amour, de la confiance. Pour ce faire, étant donné la localisation, nous utilisons des techniques faisant appel au reptilien (sensations physique) ou encore de « l’écothérapie » (pratique d’hypnothérapie dérivée des travaux de François Roustang).

De quelles peurs s’agit-il ? Qu’est-ce donc qui vient empêcher l’adaptation ?

J’estime que l’adaptation est la capacité de transformation de l’individu, la capacité que la personne possède de se transformer elle même par elle même, suite à un changement, une mutation, une transformation de son environnement, tout en restant elle même, c’est à dire tout en conservant son identité fondamentale. S’adapter, c’est donc « se laisser transformer par… », c’est « se laisser agir par … » sans se perdre. J’associe l’adaptation à notre côté Barbapapa, souplesse, mouvement.

(L’apprentissage est une modification des comportements de la personne, une modification du « comment faire », l’apprentissage ne touche pas la personne) . (cf fin de l’article : La théorie des 3 cerveaux et le « grabouilli »).

Pour une raison ou une autre, il arrive qu’il y ait crispation, tensions, quelque chose se fige, se durcit, lutte et ne se laisse pas mouvoir. En ces cas, c’est de peur qu’il s’agit.

Les inquiétudes autour d’un bébé dans un service d’urgence à l’hôpital, peuvent être ainsi vécues par celui-ci comme des tensions, il peut se crisper, plus ou moins se figer. Voilà une peur… Restera ou non ? Rien n’est prévisible en ce domaine.

Une douleur chez un bébé… Que de crispations, que de peurs….

Bien entendu Il arrive que le sujet ait vécu des situations déclenchant logiquement la peur : agression, violence dans la cour d’école, etc.…. Dans un article à venir, j’expliquerai la place des neurones miroirs comme déclencheurs de peur.

Revenons sur du concret, s’il vous plait…

Il y a de multiples causes de crispation possible, je ne saurais ici toutes les énumérer. Toutefois, afin d’aider le lecteur à saisir de quoi il retourne, je pense que le cas du deuil non fait est remarquable:

- Un enfant naît puis meurt, pour diverses raisons le deuil n’est pas fait. Un enfant est espéré, fantasmé, puis la grossesse s’interrompt (fausse couche ou IVG), là aussi, pour diverses raisons, le deuil n’est pas fait. Etc.… Puis dans cette fratrie un enfant né, Il y a de fortes probabilité pour que ce bébé ressente la tristesse (ou l’angoisse) véhiculée chez son parent, par le deuil non fait. Quelque chose dans lui peut se figer, se bloquer.

Se ne sont pas les parents qui transmettent leur tristesse ou leur angoisse à l’enfant. C’est l’enfant qui, par son hypersensibilité, « l’éponge ». Ceci est lié au fait que dans un premier temps, l’enfant ne fait pas la différence entre ses émotions et les émotions environnantes. Il est en fusion émotionnelle. Il est baigné par l’amour qu’il reçoit et c’est là sa nourriture principale, c’est la source de sa vie. En même temps il est envahi par les tensions et souffrances des autres, il s’en imprègne et bien souvent les gardes, se seront des peurs qui viendront perturber le système d’adaptation.

Des années après, une autre peur fait écho à ces peurs primaires, des grabouillis surgiront…

- Un adulte meurt prématurément (par exemple un enfant perd un de ses parents prématurément), pour diverses raisons, le deuil n’est pas fait. Dans cet enfant, quelque chose se fige, un mouvement reste à l’arrêt. Il n’a pas pu se laisser transformer par se changement dans son contexte, il ne s’est pas adapté … L’enfant grandit, devient parent. Il est face à son bébé, il est empli d’amour… et en même temps, cet affectif qui le submerge est du même ordre que celui qu’il éprouvait pour son parent décédé. La tristesse, l’angoisse de cette mort est là, le nouveau né l’absorbe à l’insu de son parent. Quelque chose se fige chez ce bébé, altérant son système d’adaptation. Un deuil non fait peut traverser des générations, parce que le bébé est une « éponge émotionnelle ». A cela s’ajoute le fait que l’enfant aime ses parents (cf article : Un autre regard sur les enfants).

Nécessaire digression :

[ Aimer ?

Aime-t-on ses parents comme l’on aime la pizza ?

Pour l’instant, dans le cadre de cet article, nous distinguerons simplement deux affectifs. Cette distinction renvoie à la distinction entre la personne et son comportement :

- L’un qui s’adresse, non à l’autre, mais à ses comportements. Ce n’est pas l’autre que j’aime ou que je n’aime pas, ce sont ses comportements. Ce premier affectif, je le nomme : « le relationnel »

- L'autre s'adresse à la personne et à peu de personnes. C'est un affectif rare de personne à personne. Il échappe à toute logique et s'impose à l'individu, sans raison. C'est ce qui se passe lorsque l'on tombe amoureux. Nous ne sommes pas amoureux parce que ceci ou cela... Nous sommes amoureux de celui-ci ou de celle là, c'est comme ça ! Dans cet affectif se distinguent 3 catégories : l'amour – l'amitié – les liens familiaux (famille nucléaire). Je nomme cet affectif : « les liens ».

- Dans la majorité des relations humaines, il n’y a que du « relationnel ». Dans une famille, normalement, il y a des « liens » et (+) du « relationnel ». (Si vous avez des enfants, il vous ai arrivé de constater que parfois, vous ressentez un : je l’aime + je ne le supporte pas, c’est à dire « liens + relationnel négatif).

Les liens sont en liaison avec le système d'adaptation. Ils s’élaborent en fonction du vécu. Comme s’il existait une lecture du monde passant par un filtre amour + peur. Dans ce filtre, selon les personnes, il y aurait plus ou moins d’amour et plus ou moins de peur. Je ferais un article…]

Revenons à nos moutons :

Revenons sur l'adulte, ex-enfant orphelin. Il est fort probable qu'il ressente de la peur à chaque fois qu'il ressent du lien. Cela peut venir perturber les relations avec ses proches (parce qu'il y a du lien). Paradoxalement, avec d'autre que ses proches, il sera très à l'aise (parce qu'en ce cas, il n'y a que du relationnel). Du coup, il se peut que les enfants de cette personne aient l'impression qu'il ne les aime pas et qu'il aime des étrangers, alors qu'en fait, c'est tout l'inverse !

Ainsi une défaillance du système d'adaptation conduit parfois à des comportements inverses de ce qui se passe chez la personne.



En guise de conclusion :

Le système d’adaptation est une clé du bien être, bien trop bas dans le cerveau pour être atteint par la langage, il déstabilise beaucoup d’appréhension de l’appareil psychique. Concept clé de la compréhension de nombreuses souffrances, il est difficile à présenter sans métaphore. La découverte de l’importance de ce système permet de profondément modifier l’accompagnement des patients, elle permet aussi de relire bon nombre de souffrance et de les comprendre autrement. Elle ouvre des pistes vers de nouvelles méthodes d’accompagnement.

(Le travail sur le système d’adaptation m’a permis d’orienter l’accompagnement dans le sens d’une réactivation des capacités Barbapapa des personnes que je rencontre…)

Dans des articles à venir, vous verrez par exemple, ses implications sur l’abord de la dyslexie, ou sur une lecture originale de différentes formes d’hypnoses, etc.

PS : Avis aux amateurs de réflexions en ébauche :

Notre cerveau reconstruit en permanence une représentation de notre corps à partir de la cohérence de la perception que nous renvoient nos sens. Cette cohérence s’exerce principalement entre le visuel, le tactile et le proprioceptif. Cette reconstruction est proche du système d’adaptation et sans nul doute en interaction avec lui… (à continuer)